Une des veillées quotidienne d'une session d'été de l'Emmanuel, à Paray-le-Monial |
Du 15 au 20 août, les sessions de Paray ont proposé un parcours spécifique : « Homosexualité – vivre avec, accompagner ». Dans le respect du magistère, cette première édition manifeste le désir de l’Église de mieux accompagner les personnes homosexuelles.
De la chapelle Notre-Dame-de-Romay à la basilique du Sacré-Cœur de Paray-le-Monial (Saône-et-Loire), une longue file s’étire sous le soleil. La distance est courte – moins de deux kilomètres – mais l’image n’en est pas moins forte. Elles viennent à Jésus, « doux et humble de cœur », ces quelque soixante-dix personnes qui peinent et ploient sous le fardeau de l’homosexualité. « La blessure de Son cœur ouvert est le lieu où nous pouvons nous abriter et guérir notre blessure », confie Alberto sur le chemin. Cet Italien de 42 ans se présente posément comme « un fidèle catholique attiré par les personnes de même sexe » et se confie avec pudeur : « Je puise dans le Cœur de Jésus, source de la miséricorde, la force de vivre la chasteté selon la vérité de l’Évangile. »
« Que ceux-là de nos frères puissent recevoir la grâce de Paray, lieu de la consolation, est essentiel et urgent. En tant que recteur des sanctuaires, je me réjouis qu’un parcours spécifique dans la session leur soit proposé cet été », s’enthousiasme le Père Benoît Guédas, prêtre de la communauté de l’Emmanuel. En quarante ans d’existence, voilà donc la première fois que les sessions de Paray se penchent sur la souffrance propre aux personnes homosexuelles et sur celle de leur entourage. Qu’elles les accompagnent à la suite du Christ.
Le malaise des catholiques
L’Église se réveillerait-elle de son immobilisme, les catholiques, de leur malaise ? « Il serait temps ! » remarque Xavier, 35 ans, pour qui la discrétion de l’Église sur ce sujet viendrait en grande partie d’une difficulté à assumer le message dont elle est porteuse. Et pourtant, quand il s’est converti il y a 8 ans, Xavier attendait que l’Église remplisse son « devoir de vérité ». Il voulait certes être rejoint dans sa souffrance, mais non pas « chatouillé ». Il a donc accueilli les termes du Catéchisme de l’Église catholique, « on ne peut plus clair », comme une libération : seuls les actes homosexuels sont des péchés, l’orientation, elle, ne l’est pas et ne définit en rien la personne qui, souvent, ne l’a pas choisie. « On me disait enfin : tu n’es pas un ‘homo’, mais un enfant de Dieu appelé à la sainteté. Voilà ce qu’on te propose pour marcher à la suite du Christ : la chasteté continente. » Mais selon Xavier, certains membres de l’Église « édulcorent ou passent à la trappe » ce discours de vérité par peur de blesser ou de choquer. « Des lâchetés qui font plus de mal que de bien, car seule la vérité rend libre », résume-t-il.
N’ayons donc pas peur de l’enseignement de l’Église catholique sur l’homosexualité. Mais prenons le temps d’en cerner les contours. « Pour le monde, les cathos seraient les grands ennemis des homos. On y est pour quelque chose car cette réalité-là nous est souvent inconnue, taboue même, et on dit n’importe quoi ! », admet Blandine, membre de la communauté de l’Emmanuel. Cette quinquagénaire s’est donc inscrite au parcours « Homosexualité – vivre avec, accompagner » pour aller au-delà de ses préjugés et de ses peurs. De son ignorance. « Tout chrétien, même s’il n’est pas directement concerné par la question, a le devoir d’aller à la rencontre de cette périphérie pour la ramener au cœur de l’Église où elle a aussi sa place », affirme-t-elle.
Les cinq objectifs de Courage
Chasteté : vivre une vie chaste conformément à l’enseignement de l’Église catholique sur l’homosexualité
Prière et offrande de soi : offrir intégralement sa propre vie au Christ à travers le service des autres, la lecture de la parole de Dieu, la prière, la méditation, la direction spirituelle, la participation fréquente à la messe ainsi qu’aux sacrements de réconciliation et de l’eucharistie
Fraternité : encourager un esprit de fraternité où tous puissent partager leurs réflexions et expériences afin que personne n’affronte seul les difficultés liées à l’attirance homosexuelle
Soutien : savoir que les amitiés chastes sont non seulement possibles mais aussi nécessaires à une vie chrétienne ; s’encourager et s’aider mutuellement pour instaurer et soutenir de telles amitiés
Témoignage : vivre une vie qui puisse servir d’exemple à d’autres
Le Père Louis-Marie Guitton, responsable de la pastorale du diocèse de Fréjus-Toulon et l’un des responsables du parcours, en est convaincu lui aussi : « Dans le petit monde catho, les réactions vis-à-vis des personnes attirées par le même sexe ne sont pas justes. On blesse nos frères par manque de formation et cette ignorance est coupable. » Une culpabilité qui repose au premier titre sur les pasteurs de l’Église. Le Père Guitton de renvoyer à la Lettre aux évêques sur la pastorale des personnes homosexuelles écrite il y a près de trente ans par Joseph Ratzinger, alors préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi. « Où est “l’attention pastorale particulière”? Où sont les “programmes pastoraux spécifiques” que réclame ce document ? », s’étonne-t-il.
Parce que l’Église ne s’est pas jusqu’ici emparée de ce défi pastoral, des initiatives de bonne volonté ont occupé le terrain. Seul problème : elles nourrissent certaines ambiguïtés avec le magistère. Ainsi de l’association Devenir un en Christ qui, sur son site Internet, fait comme proposition pour le synode sur la famille : « Infléchir certains passages du Catéchisme, afin que l’accueil inconditionnel prime sur les exigences et les jugements moraux »…
Une initiative américaine qui arrive en France
Un vent d’espérance souffle pourtant sur la ville où palpite le Cœur du Christ. « On est à l’aube d’une belle époque pour la pastorale des personnes attirées par le même sexe », prophétise Alberto. Pendant seize ans, cet Italien distingué a cherché en vain « un soutien véritablement catholique » qui lui aurait permis de « comprendre ma condition et de m’en sortir ». Jusqu’à ce qu’il entende parler de l’apostolat Courage et s’y engage. Né à Manhattan en 1980, ce service de l’Église catholique propose un soutien spirituel aux fidèles attirés par les personnes de même sexe et qui désirent vivre la chasteté en fidélité au magistère. « À travers les groupes de Courage, l’Église nous embrasse, nous accompagne et nous montre que nous ne sommes pas seuls à vouloir vivre une vie chaste. Qu’il n’y a pas d’Évangile à deux vitesses », témoigne-t-il. Et, à travers EnCourage, l’Église soutient l’entourage de ces personnes dans le même esprit.
Alberto ne pouvait garder ce trésor pour lui seul. Il est devenu « l’ambassadeur » de l’apostolat en Italie et à l’international. « Grâce à son aide, et avec l’accord des évêques, nous avons pu “l‘importer” cette année à Toulon, puis à Paris », se réjouit le Père Guitton, responsable des « petits derniers français de la grande famille Courage ». Pour Mili Hawran, cheville ouvrière du mouvement en France, l’Église doit encourager Courage dont la force est non seulement « son orthodoxie », mais aussi « cet accueil spirituel et fraternel ». « Courage donne une structure. Mais c’est Jésus qui fait le travail au contact de son cœur miséricordieux », précise l’Américaine. Son lancement en France, riche de promesses, ne pouvait donc trouver plus beau terreau que Paray-le-Monial.